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Des Israéliens déplacés par la guerre retrouvent le confort d'une cuisine à Tel-Aviv


Dimanche 18 février 2024 à 08h15

Tel-Aviv, 18 fév 2024 (AFP) — Sigal Chayak et sa famille ont dû quitter en octobre leur maison du nord d'Israël en raison de tirs du Hezbollah libanais. Après des mois dans des chambres d'hôtel, Sigal a fondu en larmes lorsqu'elle a pu, pour la première fois, mijoter un plat pour les siens.

"Ma vie c'est la cuisine", lance cette femme de 55 ans, mère de six enfants. Le havre familial est établi à Hossen, un village situé à la lisière du Liban. Peu après l'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier, le Hezbollah libanais a lancé des roquettes vers le territoire israélien en soutien à son allié palestinien. Depuis, les échanges de tirs sont quotidiens.

Hossen a été évacué. Sigal et ses enfants ont plié bagages. Son mari est, lui, resté servir dans la réserve et sort les voir à l'occasion. Après un temps à Tibériade, ville surplombant le célèbre lac éponyme, Sigal et ses enfants se sont installés dans une chambre d'hôtel de la métropole Tel-Aviv.

Voyant des familles s'entasser dans des petites chambres d'hôtel, l'Institut culinaire Asif, une ONG qui promeut la "créativité" et la "diversité" de la cuisine israélienne, a lancé un projet pour permettre non seulement aux cuisiniers de tous les jours de retrouver des fourneaux, mais aussi de bâtir des ponts au sein d'une société israélienne qui s'est polarisée ces dernières années.

L'institut a jumelé 40 familles déplacées par le conflit à des hôtes de Tel-Aviv. Sigal a pu retrouver une cuisine et préparer une soupe comme le faisait sa mère, récemment décédée. La pression est tombée, les sanglots ont monté. Pour la première fois depuis le 7 octobre, elle retrouvait un sentiment de normalité.

"La nourriture, c'est réconfortant. Voir mes enfants et mon mari manger (ce que j'avais cuisiné), c'était une immense satisfaction", confie-t-elle à l'AFP

Le jumelage offre à des gens "qui sont dans des chambres d'hôtel sans cuisine" une chance de "se sentir dans un second chez soi", souligne Shai Li Hearsch, directrice des opérations de l'institut Asif. Le projet s'inscrit dans un plus vaste mouvement en Israël, depuis le début de la guerre, avec des ateliers de cuisine et des popotes pour les réservistes de l'armée.

Des initiatives qui cherchent aussi à souder une société déjà divisée avant la guerre, comme en témoignaient les manifestations hebdomadaires contre le projet de réforme judiciaire du Premier ministre Benjamin Netanyahu, lui-même jugé pour corruption et malversation dans une série d'affaires.

- Les maisons du coeur -

A Hossen, les électeurs avaient donné leur appui à M. Netanyahu et sa coalition de droite lors des dernières élections de novembre 2022. Tel-Aviv, elle, est le bastion de l'opposition et la caisse de résonance du mouvement de contestation contre l'actuel Premier ministre.

"Ce qui me réchauffe le plus le coeur c'est que nous avons la possibilité de liens par la nourriture. En fait, c'est notre mission", confie Shai Li Hearsch.

L'AFP a rencontré Sigal et sa fille Shani, âgée de 15 ans, chez Yoav Rish, un designer de robe de mariage, qui vit avec son mari et ses deux filles dans le centre de Tel-Aviv. La mayonnaise a pris. Après une première rencontre, Sigal est retournée cuisiner chez Yoav.

Ce dernier avait entendu parler du projet sur Facebook et voulait donner un "vrai goût de Tel-Aviv" à des familles déplacées par le conflit. "Ca me parlait, je me suis dit qu'est-ce qui m'arriverait à moi-même si j'étais dans une telle situation", dit celui qui cuisine chaque jour ou presque pour sa famille.

Pour ce retour dans la cuisine de Yoav, Sigal et Shani ont grillé des filets de saumon, cuit un gâteau au chocolat. Et cuisiné un autre plat fétiche de la mère et la grand-mère, d'origine kurde, fait de boulettes de viande et de pois verts.

Quand la guerre sera terminée, Shani rentrera chez elle, prendra une douche et dormira dans son lit. "Et puis, la nuit, je vais me réveiller et cuisiner alors que tout est calme et que la maisonnée dort".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.