Page Précédente

Mondial: réactions partagées aux manifestations de soutien aux droits humains


Jeudi 1 decembre 2022 à 04h30

Dubaï, 1 déc 2022 (AFP) — Les manifestations de soutien aux droits humains au Qatar pendant le Mondial ont suscité des réactions partagées dans le monde, entre adhésion, indifférence et indignation.

Dans les pays arabes, le geste des joueurs allemands, qui avaient couvert leur bouche de la main pour protester contre l'interdiction de porter le brassard "One Love" aux couleurs des communautés LGBT+, a provoqué une avalanche de commentaires accusant l'Allemagne de racisme, et raillant son passé nazi.

"Mettez vos mains sur vos bouches et nous allons nous boucher le nez pour ne pas sentir votre racisme", a écrit le journaliste tunisien Fathi Jouini sur Facebook.

En Arabie saoudite, un pays ultra-conservateur, le hashtag "l'équipe gay" en arabe a fait son apparition sur Twitter en référence à la sélection allemande.

Les échanges virulents, parfois offensants, sur les réseaux sociaux sont apparus comme une réponse à la pluie de critiques dont a fait l'objet le pays hôte avant le début du Mondial, que ce soit à propos des droits des LGBT+ ou du traitement des travailleurs migrants.

Pour Dana El Kurd, professeure à l'université américaine de Richmond, au Texas, ces critiques, relayées surtout par les responsables et médias européens, révèlent parfois un "deux poids deux mesures".

"Les débats autour de la Coupe du monde - s'ils ont soulevé parfois des critiques absolument fondées et valables - ont aussi été motivés par l'hypocrisie et un deux poids deux mesures dans de nombreux cas", affirme-t-elle à l'AFP, en dénonçant le racisme qui joue selon elle "un grand rôle".

"Ils voient simplement un pays d'Arabes en thobes (tenue traditionnelle) et présument qu'il s'agit d'une autocratie religieuse extrémiste, alors qu'en réalité les gens sont assez libres à Doha au niveau de leurs choix personnels."

- "Ridicule et insultant" -

Signe de la méconnaissance, voire du mépris affiché parfois à l'égard de la culture locale, l'ancien joueur allemand Sandro Wagner a parlé de "peignoirs qataris" pour décrire la tenue traditionnelle du pays du Golfe, déclenchant une tempête sur les réseaux sociaux, avant de s'excuser.

Mardi, l'annonce par le Qatar d'un accord permettant d'approvisionner l'Allemagne en gaz naturel liquéfié, a également fait réagir les internautes.

"Encore un rappel que les préoccupations en matière de droits de l'homme font rarement obstacle aux intérêts stratégiques", a écrit un abonné sur Twitter.

Dans les stades de Doha, des supporters ont porté des vêtements aux couleurs arc-en-ciel tandis que des représentants des gouvernements allemand, belge et britannique, ont arboré le brassard "OneLove" pour afficher leur soutien à la communauté LGBT+ au Qatar, où l'homosexualité est criminalisée.

Mais en dehors de l'Europe, les débats se focalisent davantage sur le football que sur les droits de l'homme.

Au Sénégal, comme au Japon, les médias ont globalement ignoré les polémiques, tandis que les représentants du football japonais, serbe et croate ont évité de se prononcer.

"Il y a des inégalités et des injustices... mais certains pays d'Europe occidentale ne s'interrogent pas sur leur propre contribution aux injustices", affirme Danyel Reiche, professeur invité à l'université de Georgetown au Qatar, et coauteur d'un livre sur la politique de la Coupe du monde.

"Lorsque nous regardons les maillots que portent les équipes, ou les ballons avec lesquels elles jouent... ils sont produits dans les pays d'Asie du Sud-Est, par une main-d'oeuvre bon marché", ajoute-t-il.

La sociologue Nandita Sharma, spécialiste du travail des migrants, met toutefois en garde contre le danger de réduire les critiques contre le Qatar à un phénomène purement occidental.

"Les gens instrumentalisent et déforment les critiques d'orientalisme et d'impérialisme pour protéger l'État qatari", souligne l'enseignante à l'université d'Hawaï à Manoa.

"Entendre que nos critiques et nos préoccupations à propos des travailleurs migrants au Qatar relèvent de 'l'impérialisme occidental' ou de la culture 'blanche' est ridicule et insultant".

ho/saa/sg

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.