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Syrie : Pence tente d'arracher un cessez-le-feu à Erdogan


Jeudi 17 octobre 2019 à 18h16

Ankara, 17 oct 2019 (AFP) — Le vice-président américain Mike Pence rencontrait jeudi à Ankara le président turc Recep Tayyip Erdogan pour essayer d'obtenir l'arrêt de l'offensive turque dans le nord-est de la Syrie, où l'armée turque tentait de prendre une deuxième ville frontalière aux forces kurdes.

M. Pence a d'abord eu un long entretien en tête-à-tête avec M. Erdogan avant que la rencontre ne soit élargie aux délégations, selon des responsables américains.

M. Pence et le secrétaire d'Etat Mike Pompeo qui l'accompagne devaient tenter de convaincre M. Erdogan de mettre fin à une offensive qui a déjà fait près de 500 morts, dont une centaine de civils, et provoqué le déplacement de 300.000 personnes depuis son lancement le 9 octobre, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Leur mission s'annonce délicate, vu l'inflexibilité du président turc, qui a exclu de "s'asseoir à la table des terroristes", et compte tenu des signaux contradictoires envoyés depuis une semaine par le président américain Donald Trump. M. Erdogan a exigé pour que l'offensive prenne fin que les forces kurdes désarment et s'éloignent de la frontière turque.

Et elle survient alors que les combats continuent de faire rage, en particulier à Ras al-Aïn, ville à la frontière turque.

L'armée turque et ses supplétifs syriens ont avancé jeudi dans cette ville frontalière, en contrôlant désormais près de la moitié, selon l'OSDH .

Une correspondante de l'AFP côté turc du front de Ras al-Aïn a pour sa part indiqué entendre sans discontinuer des frappes aériennes, des tirs d'artillerie et des coups de feu d'armes automatiques.

Les autorités kurdes ont réclamé un "couloir humanitaire" pour évacuer civils et "blessés" de la ville de Ras al-Aïn.

Les forces pro-Ankara avaient pris aux miliciens kurdes le 13 octobre une autre ville frontalière, Tal Abyad.

- "Ne faites pas l'idiot" -

M. Trump avait paru donner la semaine dernière son feu vert à l'offensive visant les forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), avant, face au tollé dans les pays occidentaux et au sein de son camp, d'exhorter Ankara à y mettre fin et d'autoriser des sanctions contre la Turquie.

Les Occidentaux soutiennent les YPG pour leur rôle crucial dans la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), mais Ankara les qualifie de "terroristes" en raison de leurs liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une guérilla sanglante en Turquie depuis 1984.

M. Trump a de nouveau brouillé les pistes en déclarant mercredi, avant le départ de MM. Pence et Pompeo, que "si la Turquie va en Syrie, c'est une affaire entre la Turquie et la Syrie, ce n'est pas notre problème".

Une lettre de M. Trump à M.. Erdogan, dans laquelle il tente de le dissuader de lancer l'offensive et qui a fuité mercredi, a suscité la stupeur à Washington.

"Ne jouez pas au dur! Ne faites pas l'idiot!", y écrit le locataire de la Maison Blanche, lui proposant de parvenir avec lui à "un bon accord". Selon les médias turcs, M. Erdogan l'a "jetée" à la poubelle.

- Erdogan attendu en Russie -

L'opération turque a aussi rebattu les cartes dans le nord de la Syrie, nouvel épicentre du conflit qui déchire ce pays depuis 2011. A la faveur d'un accord avec les forces kurdes, le régime de Damas est en effet revenu dans des régions qui lui échappaient depuis des années et Moscou a commencé à remplir le vide laissé par le retrait des forces américaines.

Le président syrien Bachar al-Assad a promis jeudi de faire face à l'offensive turque "par tous les moyens légitimes".

L'objectif affiché de l'opération est la création d'une "zone de sécurité" de 32 km de profondeur le long de sa frontière, qui permettrait de séparer celle-ci des zones YPG et de rapatrier une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens installés en Turquie.

Cette offensive inquiète tout particulièrement les Européens, qui craignent l'évasion des jihadistes étrangers jusque-là retenus par les forces kurdes. Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian s'est d'ailleurs rendu jeudi à Bagdad pour discuter du possible transfert et jugement en Irak des jihadistes étrangers, dont 60 Français.

Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est inquiété mercredi "du risque de dispersion" des jihadistes retenus prisonniers. L'EI a d'ailleurs affirmé jeudi avoir "libéré" des femmes détenues lors d'une attaque contre un QG des forces kurdes près de la ville de Raqa.

Profitant du retrait des Américains, et afin d'éviter un affrontement d'envergure entre les forces de Damas et les militaires turcs, la police militaire russe mène des patrouilles dans le secteur de Minbej, selon Moscou. Le président turc doit rencontrer son homologue russe Vladimir Poutine le 22 octobre dans la station balnéaire de Sotchi.

La Turquie a fait état de la mort de six de ses soldats et de 20 civils depuis le début de l'offensive.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.